Comme promis à l'excursion suivante, Diaedin tint parole.
Nella était toujours assez impressionnée par la capacité de son
ami à tenir ses engagements.
Avant qu'elle passe du temps avec Iarek, Diaedin était le seul avec
qui elle échangeait des mots. Au
centre de formation, ils mangeaient généralement en silence ou
alors il lui racontait comment il avait ressenti ses journées ou
comment s'était passé son dernier «retour». Diaedin avait onze
ans et Nella l'avait vite pris sous son aile parce qu'il semblait
fragile. Elle avait déchanté en le voyant abattre un de leur
camarade avec un beretta. Bon, bien sûr, ça ne prouvait rien, mais
se dire que le psychopathe de service était votre seul ami n'avait
rien de rassurant. Pour sa défense, Diaedin avait vécu dès l'âge
de cinq ans dans la rue, il avait donc eu le temps de se faire
violer/battre/voler/écrabouiller, rayez la mention inutile. Il ne
lui avait jamais rien raconté, si ce n'est les raisons pour
lesquelles il avait fini là : son père était un traître. Il avait
d'ailleurs lui aussi un tatouage sur le bras, mais pas le même que
le sien. Celui de Diaedin était «01100». Encore un mystère. Il
était le seul à posséder ce tatouage-là. Nella avait croisé
d'autres «1100110» mais aucuns n'avaient de triangle inversé à la
suite, elle était donc elle aussi une anomalie du système.
Lorsqu'il lui montra. Elle fut d'ailleurs un
peu effrayée. Parce que Diaedin décida de lui prouver ses dires sur
un craquolier. Ils en cherchèrent un toute la journée et
finalement, lorsqu'ils tombèrent dessus – un craquolier se
repérait à plusieurs dizaines de mètres de distance – ils s'en
approchèrent. Diaedin lui intima l'ordre de rester à une distance
de sécurité suffisante tandis qu'il tendait les bras vers le
soleil. Alors qu’elles étaient censées être les heures les plus
dangereuses d'exposition solaire, lui se tenait là, souriant et
n'ayant pas l'air de brûler sous l'effet des rayons ultra-violet.
Lorsqu'il jugea bon de continuer son chemin, elle le regarda
s'avancer vers l'arbre. Il se passa quelque chose de très étrange.
L'arbre ne fit absolument rien. Diaedin lui tournait autour, lui
lançait des choses – sans pour autant le toucher – et la plante
ne bougeait pas. Un humain normal serait déjà mort pour avoir ne
serait-ce que regardé l'arbre. Elle regardait son compagnon frôler
la mort de très près et sans pouvoir intervenir. Il revint vers
elle, fier comme un daenkil, la regardant, attendant ses impressions.
Iarek était depuis longtemps évanoui, son avis n'était donc pas
attendu pour le moment. Nella ne trouva pas tout de suite quelque
chose à dire parce qu'elle réfléchissait. A quelque chose de
bizarre qui ne l'avait jamais frappée jusqu'à maintenant mais qui à
présent l’interpellait.
mon
père aussi...
Quoi
! S’exhorta Diaedin. Je te montre mes supers-pouvoirs –
interdits – et toi tu me parles de ton père ! C'est quoi cette
arnaque !
Non
tu ne comprends pas, soupira-t-elle. Mon père aussi s'entendait
bien avec...euh...la Forêt.
C'est-à-dire
? Dit l'autre soudainement plus intéressé.
Si
je te dis qu'il offrait des bouquets de marguerite à ma mère ça
veut dire quelque chose ?
Un
peu oui ! Ça veut dire que ton père était probablement un etrac !
Mais j'aimerai savoir comment il a fait pour sa balader avec ça
dans la ville sans se faire repérer !
Il
parlait d'un fleuriste...Je ne savais pas encore que c'étaient si
dangereux...
Probablement
un collaborateur...
Peut-être.
Mais
ça veut dire que tu es etrac toi aussi !
Je
n'ai pas de pouvoir pourtant.
Ça
ne veut rien dire du tout. Peut-être qu'ils ne sont pas encore
réveillés, souvent il faut un choc, ou peut-être que tu es etrac
de niveau zéro.
Euh...c'est-à-dire
?
Il
y a plusieurs niveaux. Etrac niveau zéro, comme moi. On peut
seulement guérir les autres avec nos capacités et se faire aimer
des arbres, mais ça c'est tous les etracs qui peuvent faire ça.
Enfin je veux dire se faire aimer des arbres. Guérir c'est
spécifique au niveau zéro. Et on est supers rares !
Je
suppose que c'est héréditaire.
Pour
les niveaux zéro oui. Pour les autres non. Je sais qu'on peut-être
niveau un et avoir enfant etrac de niveau zéro ou de niveau deux.
En
tout cas moi je suis sûre que je n'ai pas de pouvoir.
Mouai
bah j'en suis pas si sûr moi...
La
discussion est close.
Le retour vers le centre de formation fut pour
la première fois silencieuse. D'habitude, s’ils se croisaient et
rentraient ensemble, ils parlaient toujours très fort et se
taisaient une fois les murs en vue. Iarek marchait devant et râlait
tout seul devant le manque d'instinct de survie de ses compagnons,
Diaedin en second, réfléchissait et fermant la marche, Nella, qui
angoissait. Elle n'avait jamais entendu parler des etracs mais ça ne
devait pas être une bonne chose puisque Diaedin avait été épargné
uniquement à cause de son jeune âge et parce que son pouvoir était
plutôt utile.
Plus tard, elle angoissa encore plus. Diaedin
avait à présent douze ans – elle en avait treize – et comme il
était majeur aux yeux de la société, il pouvait désormais être
utile.
La formation initiale des gardiens
rouges n'étant pas finie du tout, les trois amis n'avaient pas
saisis ce que cela signifiaient. C'est en voyant que leur ami ne
revenait pas que Iarek et Nella se posèrent des questions. Ils
attendirent une semaine puis deux, mais Diaedin ne revenait toujours
pas. Finalement, la troisième semaine, pour retourner en excursion,
il fut là. Il était pâle et semblait épuisé mais il ne leur dit
rien. Il avait toujours été silencieux.
Plusieurs mois passèrent. Diaedin était
souvent réquisitionné pour être
utile et Nella et Iarek ne le voyait
plus qu'aux dîners obligatoires. La plupart du temps, il était trop
fatigué pour aller en cours. Étrangement, personne ne lui faisait
de remarques. Cela devint encore plus étrange lorsqu'il commença à
rater les repas. Les seuls moments où il était avec eux étaient
les excursions.
Plus ses absences augmentaient, plus il semblait se tasser, devenir
de plus en plus maigre, de plus en plus chétif. Nella voyait son ami
devenir un vieillard sous ses yeux. Des rides commençaient à
creuser son visage alors qu'il n'avait qu'une douzaine d'années.
Pendant qu'il n'était pas là, Iarek et Nella
c'était cependant rapprochés. La jeune fille perdant de plus en
plus son confident, elle s'était tournée vers la branche la plus
solide de leur étrange trio. Elle ne lui parlait pas plus, n'était
pas plus proche physiquement. Cependant, s’il allait quelque part
elle le suivait. Si il avait terminé de manger, elle aussi, même si
son assiette était encore pleine. Elle ne voulait pas faire un pas
sans lui, parce que c'était devenu trop dur d'être seule quand on a
connu l'amitié et l'amour des gens qui nous sont chers. Nella
attendait souvent que la nuit tombe et elle se tournait vers Iarek,
le regardant dormir, paisible. Il semblait le moins comprendre ce qui
arrivait. Avec ses cheveux blonds bouclés et ses yeux rieurs. Avant,
ils étaient bleus d'après lui. Sa peau, d'un caramel marqué,
contrastait avec cette couleur soleil. Elle n'avait jamais compris
cette étrange assemblage tandis qu'elle, monstre aux cheveux rouge,
elle restait perpétuellement blanche comme l'ivoire, malgré son
temps, parfois trop long, d'exposition aux U.V. Elle voyait
d'ailleurs certains camarades de la garde rouge revenir complètement
brûler. Ces nuits où elle regardait son ami, elle remerciait on ne
sait qui pour avoir fait une peau solide à ce garçon qui était
devenu aussi proche qu'un frère pour elle.
Nella
?
Oui
?
Tu
crois qu'on va mourir ?
C'est
possible. Pourquoi, tu as peur ?
Oh
non. J'ai plus peur de me retrouver sans toi et Diaedin. Et toi ?
J'ai
peur de mourir oui, mais pas pour les mêmes raisons que les autres.
Je n'ai pas peur que ma vie s'arrête.
Tu
as peur de quoi alors ?
J'ai
peur qu'elle s'arrête ici, dans les mains de ces gens-là.
Encore un mois passa, puis un deuxième et
finalement, Diaedin revint définitivement et put reprendre les cours
normalement. Il semblait mystérieusement soulagé et du jour au
lendemain, il retrouva toutes ses forces et son entrain habituel.
C'était lui qui implorait désormais pour aller manger à la cantine
et les deux autres qui traînaient le pas. Ils étaient assez
bouleversés de voir leur ami revenir d'entre les morts mais ils
étaient également soulagés. Nella surtout, qui avait cru qu'elle
le perdait vraiment. Maintenant que sa petite tête de malade était
dans les parages, le monde avait retrouvé son équilibre et elle se
retrouvait – pour la première fois depuis longtemps – sur un
petit nuage. Qui ne dura bien évidemment pas longtemps. Mais ça,
elle ne pouvait comme d'habitude pas le prévoir.
Pour leur examen de passage en seconde année
de formation, les formateurs les mirent par groupe de trois – comme
par hasard – et leur ordonnèrent de rentrer une nouvelle fois en
vie. Or, cette fois, ils ne seraient pas jetés au hasard dans la
Forêt, un coup du sort décidant si ils allaient vivre ou mourir.
Cette fois, on les éparpillerait dans le plus gros nid de
craquoliers de la région. Cette fois, il allait falloir se battre
pour survivre. Et probablement que certains y laisseraient la peau.
Ils ne croyaient pas si bien dire.
Cette épreuve de moisson fut probablement la
plus meurtrière depuis la création de l'Ordre rouge. Il y eu tant
de victimes déplorées cette année qu'on se demanda même si on
n'allait pas faire une nouvelle épreuve pour déterminer les vrais
gardiens rouges. Il y eu quand même trois survivants. Alors on
décida que l'épreuve était parfaite.
Ce jour-là, Nella, Iarek et Diaedin venaient
d'être déposés en pleine Forêt. Diaedin allait beaucoup mieux.
Il avait retrouvé son caractère bien trempé et son comportement de
fou dangereux envers les autres. Il semblait être redevenu le même.
Nella savait cependant que ça n'était pas le cas. Il avait changé,
elle le sentait dans ses yeux, dans sa manière de se déplacer, dans
ses veines. Tout en elle lui hurlait que son ami était mort, mais
elle ne pouvait pas l'accepter. Son esprit se refusait d'admettre
qu'un être qu'elle aime lui échappa encore. Elle marchait, encadrée
des deux garçons, quand les premiers hurlements retentirent et
qu'ils virent débouler devant eux une horde d'enfants de leur âge,
terrifiés, la mort aux trousses. Un tremblement suivait les enfants.
Nella saisit ses camarades par les poignets et leur intima l'ordre de
ne plus bouger, de ne plus respirer, de ne plus parler. Les lianes
passèrent sans les voir et comme ils ne bougeaient pas, elle ne les
distinguèrent pas non plus. Leur retour fut encore plus atroce. Dans
l'impossibilité la plus totale de faire quelque chose, Nella,
Diaedin et Iarek, durent regarder les lianes revenir avec leurs
camardes.
A certains, il manquait déjà des membres, d'autres
étaient déjà morts, étouffés dans les anneaux terribles des
branches de l'arbre. Comme si le spectacle n'était pas encore
suffisamment atroce, un arbre près d'eux se trouva des victimes et
bientôt, les deux arbres se disputèrent le corps d'une jeune fille
encore vivante. Ses hurlements de terreur et d'agonie retentirent
longtemps après dans la forêt profonde. Des échos d'horreur
résonnaient tour à tour à droite et à gauche. Sans répits.
Finalement, après avoir attendu que les arbres près d'eux cessent
de remuer, les trois survivants présumés se relevèrent et se
mirent à courir. Ils couraient le plus vite possible, évitant les
lianes et découvrant sur leur passage la mort cruelle connue par
leurs camardes. Il fallait suivre les corps et cela menait à la
sortie, aussi horrible soit-il. Nella entrevit la sortie quelques
secondes avant que Iarek ne touche le sol. Elle entendit un bruit
sourd et se stoppa. Le silence remplit brusquement ses oreilles,
suivit d'un sifflement si intense qu'il lui vrilla les tympans
plusieurs secondes. Son ami était au sol. Il était touché. Que
fallait-il faire. Il fallait faire quelque chose. Iarek, lui, gisait
sur le ventre, un couteau planté dans l'omoplate. Il avait du mal à
respirer et suffoquait déjà, son masque pourtant plaqué sur son
visage. Lorsque Nella sortit de sa transe, elle découvrit avec une
surprise teinté d'effroi qui était le responsable. Ce n'était pas
un élève qu'elle ne connaissait pas. Ce n'était pas une personne
qu'elle n'avait jamais croisé auparavant et qui aurait voulu faire
ça uniquement pour sauver sa vie. Celui qui avait lancé le couteau
dans le dos de leur ami, c'était Diaedin.
Qu'as-tu
fait ? Hurla-t-elle en se jetant sur le corps d’Iarek et en lui
caressant la joue pour le maintenir éveillé. Pourquoi as-tu fait
ça ?
Parce
que je dois te réveiller, murmura son jeune ami d'un ton teinté
d'amertume et de...regret ?
Me
réveiller ? S'écria Nella en pleurant à chaudes larmes. Mais
qu'est-ce que ça veut dire ! Je ne comprends plus rien du tout !
C'est
toi qui va tous nous sauver Nel...
Ferme-la
! Cracha la jeune fille en tentant de tirer Iarek vers elle et en le
serrant contre lui. Ferme-la !
Nella ne savait pas quoi faire, alors elle fit
la seule chose qui était censée : protéger sa famille. Et sa
famille se résumait désormais à Iarek, puisque Diaedin avait
décidé que ce n'était pas une condition à prendre en compte avant
de planter quelqu'un. Elle foudroya le garçon du regard et plaça
son couteau devant le blond qui continuait de perdre du sang et de
gémir de douleur.
Tu
me menaces ? S'amusa le gamin, un sourire narquois s'étirant sur
ses lèvres.
Tu
as blessé mon ami, souffla Nella, sa voix se brisant en prononçant
ce «mon ami» qui insinuait que Diaedin n'était plus le sien.
Elle sentit qu'elle avait touché juste parce
qu'elle vit son compagnon cligner imperceptiblement des yeux. Signe
que non seulement elle ne se trompait pas mais qu'en plus, ça lui
faisait très mal. Il la regarda quelques instants, secoua la tête
et fit demi-tour, sans jeter un seul regard en arrière. Il les
laissait là, seuls, abandonnés en pleine Forêt. Il les laissait à
la mort. Nella aurait voulu crier mais elle n'avait pas assez de
force. Elle sentit soudain que quelqu'un l'aidait à porter Iarek.
C'était bien sur Diaedin. Pourquoi était-il revenu ? Elle ne le sut
jamais. Parce qu'à ce moment-là, les lianes d'un craquolier
s’abattirent sur eux.
Ce fut à la fois brutal et rapide. Elle
regarda d'abord les lianes s'enrouler autour des jambes d’Iarek qui
s'était mis à hurler de terreur. Il gigotait dans tous les sens
mais plus il tentait de défaire ses liens, plus ceux-ci se
refermaient sur lui. Il devint violet, puis rouge, et lorsque son
corps craqua, Nella avait déjà fermé les yeux. Ça ne l'empêcha
pas de vomir pour autant. Diaedin pendant ce temps, ne bougeait pas.
Il tentait de convaincre les arbres de les laisser partir mais son
pouvoir n'avait pas l'air d'être suffisant parce que plus le temps
passait, plus lui aussi commençait à changer de couleur. D'abord
blanc, ensuite violet. Il suffoquait et elle entendit distinctement
ses côtes se rompre les unes après les autres. Elle sentit son
esprit basculer brusquement dans quelque chose de noir et de
dangereux qu'elle ne voulait pas connaître. Dans son délire, elle
sentit ses propres os se mettre à craquer. Mais elle n'émit aucun
son. Elle vit juste une grande lumière bleue.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle était
couverte de liquide vert et gluant. Elle se releva brusquement et
constata que les branches du craquolier gisaient autour d'elle. Ils
semblaient avoir été arrachés par quelque chose d'énorme, vu les
balafres qui étaient restées sur le tronc. Elle avisa ses deux amis
près d'elle. Le plus proche était Diaedin. Elle se précipita sur
lui. Il respirait encore mais avec difficulté. Au moins, il était
vivant ! Elle vit ensuite le corps d’Iarek et elle ne put contenir
un hurlement plein de larmes. Iarek n'était pas mort. Mais son corps
avait pris un angle tellement inhumain qu'il devait actuellement
souffrir le martyr. D'ailleurs, il respirait à peine. Elle traîna
Diaedin vers lui et le réveilla par des claques en plein visage.
Nella...Que...Que
s'est-il...
Soigne-le
! Cria-t-elle désespérée. Soigne-le !
Soigner
qui ?
Iarek
! Aide le je t'en prie !
Je...D'accord.
Il se releva tant bien que mal. Iarek gisait
sur le dos. Même si il n'avait plus vraiment de dos à proprement
parler. Diaedin ferma les yeux et se mit à psalmodier des paroles
que Nella ne comprenait pas. En tout cas, personne ne les attaquait.
Un silence de mort régnait dans la Forêt et les craquoliers
semblaient se tenir désormais à une distance plus que respectable
d'elle. Elle vit les yeux de son ami se colorer en turquoise puis ses
mains se teinter de jaune. Des boules d'énergie se formaient au bout
de ses doigts et il les envoyait dans le corps d’Iarek. Et plus
l'énergie entrait en lui, plus ses cheveux blonds reprenaient leur
aspect soyeux, plus son teint redevenait lumineux et coloré. Plus il
reprenait vie. Iarek finit par être entouré d'un immense halo de
lumière dans lequel il disparut. Quand Diaedin eut fini, il
s'écroula sur le dos. Son ami était vivant. Nella était folle de
joie. Mais cela fut de courte durée. Parce que le bout d'une lance
dépassait maintenant de la gorge de Diaedin. Elle se figea. Le temps
ralentit alors brusquement et elle put distinguer un mince sourire
sur les lèvres, «je t'aime» muet de son ami, tandis qu'il
s'écroulait au sol. Lorsqu'elle regarda l'auteure du meurtre, Nella
n'en cru pas ses yeux. La meurtrière, elle la connaissait très
bien, s'appelait Violetta. Elle n'eut pas le temps de lui dire de
s'arrêter que l'autre était déjà repartie en sens inverse,
poursuivie par les craquoliers. Nella hurla longtemps devant la
dépouille de son ami. Mais elle dût se rendre à l'évidence. Iarek
était mal en point et il avait besoin d'être transporté quelque
part. Il fallait qu'ils rentrent. Elle le saisit donc par l'épaule
et c'est à pied qu'elle rejoignit le camp de base. Elle mit cinq
jours.
Cher
élèves ! Vous êtes reçus en deuxième années ! Je suis fier de
dire que je l'avais prévu ! Même si nous regrettons la perte
malheureuse d'un de nos meilleurs éléments, Diaedin Faoussi. Il
nous manquera énormément, comme tous les autres d'ailleurs ! Que
leur âme repose en paix !
Nella regarda son bracelet-émetteur. Son
tatouage. Aujourd'hui, Diaedin était mort et il n'avait pas eu le
temps de lui révéler ses secrets. De lui dire ce qui se passait
avec les etracs. Qui ils étaient et qui elle était par-dessus tout.
Elle se releva soudain brusquement dans son lit. Le bracelet ! Il
clignotait ! Elle attendit quelque instant espérant quelque chose,
un signal, mais non. L'appareil resta silencieux. Elle se rallongea
et se fut terrassée par le chagrin qu'elle passa sa première nuit
d'insomnie. La première d'une longue liste de nuit passées à ne
rien faire d'autre que s'entraîner. Devenir la plus forte, la plus
rapide, la plus experte dans le maniement des armes. Elle ne
laisserait personne la vaincre. Ni Violetta, Ni Iarek. Celui-ci
n'avait d'ailleurs aucuns souvenirs de l'accident et s'était tant
mieux. Ainsi, il garderait une image intacte et bonne de son ami
mort. La mémoire de Diaedin ne serait pas salie par des moments de
doutes passés. Il serait en paix. Du moins se le jura-t-elle.